MAILLOU (Mailloux), dit DESMOULINS, JEAN-BAPTISTE, maçon, entrepreneur, architecte du
roi, commis du grand voyer, arpenteur, né le 21 septembre 1668 à
Québec, fils de Pierre Maillou, dit Desmoulins, sabotier, et d’Anne Delaunay,
inhumé le 18 septembre 1753 dans la crypte de l’église Notre-Dame-de-Québec.
Jean-Baptiste Maillou a dû sa réussite en partie à son frère
aîné, Joseph. Ils exercèrent tous deux le métier de maçon mais travaillèrent
chacun de leur côté, Jean-Baptiste à la construction de l’église Saint-Charles
de Charlesbourg (1695) et Joseph au palais de l’intendant (1697) ; vers
1697, ils unirent leurs intérêts dans une entreprise de construction et les
deux associés bénéficièrent du patronage des commerçants et des hauts
fonctionnaires de Québec. Leur connaissance des règles de l’architecture et de
la décoration peut expliquer leur succès ; dans leur bibliothèque, on
retrouvait des livres tels que Architecture, ou art de bien
bastir [...] (Paris,
1572) de Vitruve, Le Premier tome de l’architecture[...]
(Paris, 1567) de Philibert Delorme, Règles des cinq ordres d’architecture [...] (Paris, 1632) de Giacomo
Barozzi, dit Il Vignola, Les fortifications [...] (Paris, 1624) de Blaise-François
de Pagan, comte de Merveilles, L’architecture françoise des
bastimens particuliers [...]
(Paris, 1624) de Louis Savot, et aussi 17 gravures architecturales.
Certains de ces livres provenaient peut-être de la bibliothèque
de l’entrepreneur-architecte Claude Baillif*, car les
mêmes titres apparaissent dans l’inventaire de sa succession. Les frères
Maillou avaient été ses employés et Baillif fut témoin lors de la signature du
premier contrat de mariage de Jean-Baptiste ; il est mentionné comme
« son amy ». Jean-Baptiste Maillou acheta la maison de Baillif sur la
rue Sault-au-Matelot en 1701 et même s’il déménagea à la haute ville vers 1720
il y conserva sa place d’affaires. Maillou fut, dans un sens, le successeur de
Claude Baillif.
La mort prématurée de Joseph Maillou, en décembre 1702,
laissa Jean-Baptiste à la tête d’une affaire florissante. II ne limita pas son
talent à ériger des maisons particulières. À titre d’entrepreneur-constructeur
il eut le contrat de plusieurs édifices religieux : le monastère des récollets
à Québec, l’église de Saint-Laurent, île d’Orléans (1702, 1708), l’Hôpital
Général à Québec (1717) et l’église Saint-Étienne-de-Beaumont (vers 1727). En
décembre 1720, une ordonnance de l’intendant Bégon autorisa
la construction d’une nouvelle église et d’un presbytère à Saint-Nicolas, dans
la seigneurie de Lauzon, d’après les plans de Maillou, « entrepreneur des
ouvrages du Roi ». Les archives du séminaire de Québec conservent le plan,
signé par Maillou, mais non identifié, d’une église canadienne typique. Alan
Gowans a avancé l’hypothèse qu’il pourrait s’agir du plan « d’un nouveau
type général d’église paroissiale de Québec » commandé par Mgr de
Saint-Vallier [La Croix*].
Jean-Baptiste Maillou ne tarda pas à gagner la confiance du
gouvernement de la métropole. En 1726 il reconstruisit l’étage supérieur du
palais de l’intendant et en 1731 il eut le contrat pour bâtir les voûtes de
pierre du Château Saint-Louis. La plupart des contrats que lui octroya la
couronne avaient trait à des ouvrages militaires : la restauration de la
batterie de la basse ville dite « la grande plateforme » (1702), le
bastion Saint-Louis (1705–1707) et d’autres parties des fortifications de
Québec (1711), ainsi que des travaux de même nature au fort Saint-Frédéric
(Crown Point, N.Y.) au cours des années 30. En 1724, Maillou avait, mais sans succès,
soumissionné les travaux de construction des fortifications de Louisbourg, île
Royale (île du Cap-Breton) [V. GédéonCatalogne*].
Le gouvernement récompensa adéquatement Maillou même si ses
factures n’étaient pas toujours acceptables. En 1719, on lui décerna le titre
honorifique d’architecte du roi. Le 6 novembre 1728, Pierre Robinau* de Bécancour, le grand voyer, accorda
à Maillou une commission afin que celui-ci puisse remplir les fonctions de
grand voyer dans la juridiction de Québec ; Maillou devait le remplacer en
son « absence », mais en réalité Robinau s’en reporta à son délégué
pour tout ce qui touchait la région de Québec. Maillou était nanti de
l’autorité « pour y donner les alignements des maisons sur les rues, les
faire tenir débarrassées selon les ordonnances de la voierie, empêcher qu’il
n’y soit fait aucune saillie, avances, ni anticipation sans permission de nous
ou de notre dit commis et [...] pour régler, visiter et faire entretenir les
chemins royaux de la dite ville ». En 1735, Michel Petrimoulx, gendre de
Maillou, fut aussi nommé commis du grand voyer, vraisemblablement pour aider ou
remplacer Maillou.
À partir de 1702 et jusqu’à la fin de sa vie, Maillou fut
fréquemment appelé, soit par les tribunaux, soit par des particuliers, à
mesurer et à évaluer des terrains, des maisons, des ouvrages de maçonnerie et à
dresser des plans. II exécuta des travaux d’arpentage bien qu’aucune commission
d’arpenteur n’ait été inscrite à son nom. II traça des routes rurales au
cordeau en 1717 et en 1729. II assista occasionnellement dans son travail
l’ingénieur en chef de la Nouvelle-France, Gaspard-Joseph Chaussegros de
Léry. En 1728, en 1730 et en 1742, il fut parmi les experts qui évaluèrent le
coût des réparations à effectuer au palais épiscopal et des transformations qui
pourraient y être apportées. Après que l’intendantDupuy* eut publié son ordonnance sur la
construction en 1727, Maillou contribua à la mise en application des règlements
au sujet des toits de bardeaux et des cheminées à l’épreuve du feu.
Des sources diverses témoignent de
l’ascension de Jean-Baptiste Maillou dans l’échelle sociale de la
Nouvelle-France. Ses origines étaient humbles ; sa première femme, Louise
Phélippeaux, qu’il épousa à Québec le 4 février 1695, était fille de
tailleur et sa deuxième femme, Marguerite Caron, avait pour père un matelot de
la marine marchande ; ce mariage eut lieu à Québec le
2 juillet 1703. Le 30 octobre 1720, l’intendant Bégon
et sa femme étaient au nombre des invités à la signature du contrat de mariage
lorsque Jean-Baptiste Maillou convola en troisièmes noces avec Marie-Catherine
Amiot, dit Villeneuve, fille d’un négociant. À partir de 1723, Maillou loua un
banc à la cathédrale de Québec et, en juillet 1746, il était un des quatre
« marchands et bourgeois » notoires de Québec que les autorités
consultèrent au sujet de la défense de la ville.
Plusieurs facteurs ont pu
contribuer à l’ascension rapide de Maillou. Entrepreneur-maçon compétent, il
avait appris à dresser des plans et à faire de l’arpentage. Jean-Baptiste et
Joseph Maillou possédaient une culture peu commune pour des maçons : il
possédaient tous deux une bible, de modestes collections de récits historiques
tant religieux que profanes et des livres de piété. La dernière maison
qu’ait habitée Maillou était ornée de plusieurs gravures et peintures. Il était
animé de sens civique et doué d’une belle intelligence. Avec son frère Pierre,
il se porta volontaire de 1725 à 1727 pour s’initier au tir d’artillerie en
prévision de la défense de la ville.
Maillou possédait un solide sens des affaires et il était peu
enclin à prendre des risques. Il acheta des propriétés à Québec et quelques
fermes dans la région, et ces placements témoignent de sa préférence pour les
investissements d’un apport sûr et régulier. Une de ses plus importantes
acquisitions fut celle de l’ancienne maison de René-Louis Chartier* de Lotbinière. C’était une grande
maison de deux étages, à toit en mansarde, située rue Saint-Louis, à la haute
ville de Québec ; il l’avait obtenue pour 10 000# lors d’une vente aux enchères ordonnée
par la loi. Plus tard, il la loua à la couronne et elle servit de résidence à
Chaussegros de Léry. La maison que Maillou construisit pour lui-même sur
le terrain adjacent, en 1736, était une habitation de pierre d’un étage et
relativement modeste. C’est là qu’il mourut en 1753 ; cette maison existe
toujours mais beaucoup agrandie en largeur et en hauteur.
Aucun des fils de Jean-Baptiste Maillou ne semble avoir
manifesté d’enthousiasme pour le métier de leur père. Vital l’exerça pendant
quelques années puis se fit tavernier ; Louis-Marie se trouvait « aux
pays d’en haut pour le service du Roy » lorsque son père décéda. Joseph
fit sa marque dans la profession d’orfèvre et de marchand ; en 1723, Maillou
avait dû verser une indemnité de 500ª aux parents d’une fille que Joseph
avait tuée accidentellement. Deux des filles de Jean-Baptiste épousèrent de
beaux partis et Maillou versa une généreuse dot pour Marie-Joseph à son entrée
chez les religieuses de l’Hôtel-Dieu. De 1707 à 1723, Jean-Baptiste avait
initié à son métier six apprentis maçons, et parmi eux Girard-Guillaume Deguise,
dit Flamand, Nicolas Dasilva,
dit Portugais, et un Anglais du nom de Charles-Étienne Camanne. Ce sont ces
apprentis et non les propres enfants de Maillou qui marchèrent sur ses traces.
SOURCES :
AHGQ, Livres de comptes, I : 90v.— AN,
Col., B, 47, ff.1 247–1 259 ; Col., C11A, 59, ff.67–70 ; Col., F3, 11, ff.224s. ; Col., G3, 2 040 (on y trouve les
originaux de deux actes rédigés par Claude Louet et les spécifications au sujet
du travail de Maillou au fort Saint-Frédéric).— ANQ, Greffe de Jacques Barbel, passim ; Greffe de
R.-C. Barolet, 21 sept. 1753, passim ;
Greffe de Louis Chambalon, 30 janv. 1695, 12 avril 1704,
21 déc. 1705, 26 déc. 1711, 26 nov. 1715, passim ; Greffe de
J.-É. Dubreuil, 22 nov. 1723,passim ; Greffe de François
Genaple de Bellefonds, 16 juin 1683, 9 janv. 1700,
5 juill. 1702, 26 juin, 29 juin, 29 août 1703,
19 avril 1707, passim ;
Greffe de Florent de La Cetière, passim ;
Greffe de Jean de Latour, passim ;
Greffe de Claude Louet, passim ;
Greffe de J.-C. Louet, 30 oct. 1720, passim ; Greffe de
J.-N. Pinguet de Vaucour,passim ; Greffe de Gilles Rageot, passim ; Greffe de Pierre
Rivet Cavelier, 8 avril, 6 nov. 1713, 21 nov. 1717, passim (étant donné le nombre considérable
d’actes notariés qui touchent Maillou soit comme partie contractante soit comme
expert évaluateur, on ne peut que citer les plus importants et indiquer où
trouver les autres actes [p. n. m.]) ;
NF, Coll. de pièces jud. et not., 69, n° 2, passim.—
APC, MG 8, B1, 20–1, pp. 245–254 ; MG 8, BI, 25–3, pp. 1 113s., passim.— Archives paroissiales de
Saint-Étienne (Beaumont, Québec), Livres de comptes, I.— ASQ, Polygraphie,
II : 77 ; Seigneuries, VI,passim ; Seigneuries, IX, passim ; Séminaire, XX, passim.— Correspondance de
Vaudreuil, RAPQ, 1947–1948, 309, 326.— Édits ord., III : 100.— Jug. et délib., IV, V, VI,passim.—
Recensement de Québec, 1716 (Beaudet).— Recensement de Québec, 1744 (RAPQ).—
P.-V. Charland, Notre-Dame de Québec : le nécrologe de la crypte, BRH, XX (1914) : 215, 237,
238.— Godbout, Nos ancêtres, RAPQ, 1951–1953,
462, 490.— P.-G. Roy, Inv. ins. Cons. souv., 185 ; lnv. jug. et délib., 1717–1760, I, II, III,
IV, V, passim ;Inv. ord. int., I, II, III, passim.— Tanguay, Dictionnaire.— Gowans, Church architecture in New France.—
P.-B. Casgrain, Le Kent-House, rectification historique, BRH, XIX (1913) : 11.
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