Le corps de logis double
Au début du XVIIIe
siècle, les Français introduisent au Québec l'usage du corps de logis doublé,
construction plus profonde où les pièces ouvertes sur l'avant («côté cour»)
sont séparées par un mur de refends des pièces qui s'ouvrent sur l'arrière («côté
jardin»). C'est alors que le type «palais» déclasse définitivement le type «château», parce qu'il s'adapte aisément au doublement du corps de logis. Le
premier édifice qui témoigne de ce nouvel art de vivre est le palais de
l'intendant que conçoit l'ingénieur La Guer Morville, en 1713 : autour d'une
vaste salle implantée au centre, qui accueille les délibérations du Conseil
souverain, se déploient l'appartement de l'intendant, au nord, et celui de son
épouse, qui fait miroir au sud.
Le corps de logis double
Au début du XVIIIe
siècle, les Français introduisent au Québec l'usage du corps de logis doublé,
construction plus profonde où les pièces ouvertes sur l'avant («côté cour»)
sont séparées par un mur de refends des pièces qui s'ouvrent sur l'arrière («côté
jardin»). C'est alors que le type «palais» déclasse définitivement le type «château», parce qu'il s'adapte aisément au doublement du corps de logis. Le
premier édifice qui témoigne de ce nouvel art de vivre est le palais de
l'intendant que conçoit l'ingénieur La Guer Morville, en 1713 : autour d'une
vaste salle implantée au centre, qui accueille les délibérations du Conseil
souverain, se déploient l'appartement de l'intendant, au nord, et celui de son
épouse, qui fait miroir au sud.
Le magnifique château que Ramezay a construit en 1704-1705
est aujourd'hui
un lieu historique de Montréal (Bibliothèque nationale de Québec).
Cette convention, qui veut que les époux de rang noble ne cohabitent pas
dans le même appartement, explique que le palais épiscopal et le château
Saint-Louis de Frontenac, construits pour des célibataires, soient restés à
demi inachevés.
Quoique l'habitat multifamilial et la promiscuité ne changent pas tout
au long du Régime français (il faut attendre l'usage britannique pour
qu'apparaisse l'habitat unifamilial), le doublement du corps de logis a un
impact considérable sur l'architecture domestique et sur le paysage construit.
À partir de 1720, la plupart des maisons en milieu urbain sont bâties plus profondes,
puisqu'elles contiennent deux rangées de pièces adossées, ce qui facilite évidemment
la modification des unités salle-chambre en unités d'appartements, plus vastes.
On voit apparaître des cuisines à côté des salles, et des antichambres, des
cabinets et des garde-robes, autour de la chambre. Plusieurs bâtiments
existants sont reconstruits et pour être doublés, au vu de telles dispositions
: c'est le cas du château de Ramezay, à Montréal, en 1756, de la Grande Maison
des forges du Saint-Maurice, en 1737 et du manoir de Boucherville, après la Conquête.
Le mobilier
Dans les palais et dans les hôtels particuliers de la Nouvelle-France,
les meubles sont de qualité, mais peu variés ; pour les bourgeois et artisans
du XVIIe siècle, le mobilier est une chose rare, limitée à des coffres, des
tabourets, plusieurs paillasses et un lit par maisonnée. La typologie se
diversifie au XVIIIe siècle, avec l'expansion des unités d'habitations ; mais
au lieu d'œuvres sculptées d'ébénistes et de meubliers, comme on en trouve en
métropole, ce sont alors des menuisiers qui assemblent en panneaux et moulures
les armoires, les chaises, les tables et les autres meubles témoignant de la
spécialisation de l'habitat. C'est dire que les Château Ramezay meubles qui
datent du Régime français sont rares, d'autant plus que ceux qui étaient
importés de France, à défaut d'une tradition d'ébénisterie locale, y sont
retournés avec leurs propriétaires au lendemain de la Conquête. L'essentiel du
mobilier dit « traditionnel » appartient à la seconde moitié du XVIIIe et au
début du XIXe siècle, quand les conditions économiques plus favorables et
l'évolution de l'art d'habiter offriront aux Canadiens de vivre dans des
maisons plus confortables.
Saint-Maurice, Forges
L'édifice principal des Forges Saint-Maurice, construit
vers 1735
(photo de Luc Noppen).
La présence de l'Église, au départ justifiée par l'œuvre missionnaire
dans le Nouveau Monde, s'affirme rapidement dans les établissements européens
par un ambitieux programme de construction. Les premiers, les jésuites entreprennent
en 1647 la construction de l'église Notre-Dame-de-la-Paix, à Québec : il s'agit
d'une structure de pierre simple, dont le plan en croix latine, l'abside
semi-circulaire « orientée » (tournée vers l'est, comme le veut la tradition chrétienne),
les chapelles latérales au niveau du transept, le petit clocheton de la croisée
se conforment aux usages métropolitains. C'est ce pendant surtout après 1664
que l'architecture religieuse connaît un essor prodigieux, en nombre et en
qualité, dans l'immense diocèse nouveau confié au premier évêque, François de
LAVAL. Celui-ci encourage la construction de vastes églises dans les villes en
expansion et des lieux de culte plus modestes, mais néanmoins en pierre, dans
les premières paroisses qu'il érige en milieu rural.
Notre-Dame-de-la-Paix, église
Ville de Québec. L'église telle que conçue en 1684 (à
gauche)
et telle que construite (à droite) en 1697 (dessins de Pierre d'Anjou).
En quarante ans, plusieurs édifices religieux majeurs ont été construits
à Québec et à Montréal, quoique souvent victimes des avatars typiques des chantiers
du Régime français. En 1666, ce sont à nouveau les jésuites qui, évincés de la paroisse
Notre-Dame, érigent une nouvelle église attenante à leur collège, juste en face
; le plan en croix latine, les deux tourelles d'escalier en façade et la toiture
en croupe couverte d'ardoise y sont typiques de l'architecture des jésuites en
Europe.
En réponse à l'affront, l'évêque ordonne la reconstruction de la petite
église de 1647 pour lui conférer une dignité épiscopale - le diocèse a été érigé
en 1674 - et l'architecte Claude BAILLIF reçoit le mandat d'ériger une vaste
cathédrale dont la façade serait dominée par deux hautes tours. Le chantier
débute en 1684 mais subit plusieurs interruptions ; l'église reste inachevée.
Il en va de même pour le palais épiscopal que se fait construire Mgr de
Saint-Vallier, en 1692, par le même Claude Baillif. Le bâtiment prévu n'est réalisé
qu'à moitié cependant que la chapelle - qui devait en former le centre -
demeure un élément externe, admiré pour ses qualités architecturales : façade
en pierre de taille rythmée par des pilastres et des chapiteaux de l'ordre
composite, et toiture en forme de carène.
Notre-Dame (Québec),
l'église
Les plans sont de
Chaussegros de Léry, en 1743
(Archives nationales de
France, photo de Holzapfel).
D'autres édifices apportent ainsi les
modèles de l'architecture religieuse de la mère-patrie ; l'église Saint-Antoine
des récollets, construite à Québec à partir de 1693, et l'église Notre-Dame de
Montréal, commencée en 1672 et péniblement terminée en 1683, qui évoque la
figure de l'église des sulpiciens à Paris.
Ces églises monumentales, aujourd'hui toutes disparues, ont introduit la
norme de l'architecture religieuse classique qui avait cours en France au XVIIe
siècle. Elles sont devenues de modèles et ont, à leur tour, inspiré des
constructions plus modestes qui n'ont retenu des prototypes que les solutions
qui paraissaient les mieux adaptées au contexte socio-économique de la
Nouvelle-France.
En milieu rural, les premières églises reproduisent donc les
dispositions fortes simples de Notre-Dame-de-la-Paix, pour ensuite, sous la
pression démographique, être agrandies selon le modèle de la cathédrale ; au
début du XVIIIe siècle, ce modèle devient la norme dans les paroisses rurales,
où la nef allongée et le clocher déporté vers le pignon de façade caractérisent
l'image uniforme de l'Église en Nouvelle-France. Les églises du
Cap-de-la-Madeleine (1715) et de Saint-Pierre de l'Île-d'Orléans (1717) en sont
les exemplaires les plus anciens.
Saint-Pierre, église
La construction de l'église de Saint-Pierre, à l'Île d'Orléans,
débute
en 1717 (photo de Luc Noppen).
Les autres grands modèles urbains ont aussi un impact ; les églises des
récollets de Québec et de Montréal connaissent une large descendance, en raison
de leur vaste nef et de leur plan simple, facile à construire. À Saint-Jean
(1732) et Saint-François (1734) de l'Île-d'Orléans tout comme au Sault-au-Récollet
(1749), sur l'île de Montréal, cette influence est toujours bien observable.
Semblablement, l'église de la Saint-Famille de l'Île-d'Orléans, construite à
partir de 1743, porte la mémoire de l'église des jésuites de Québec dont elle a
repris la figure et les dimensions.
La chapelle de Mgr de Saint-Vallier devient aussi un modèle, diffusé notamment
à travers le plan que Jean Maillou en tire pour l'adapter à une commande en
milieu rural. Avec son abside en hémicycle, inscrite dans la ligne des murs de
la nef, l'église de Saint-Étienne de Beaumont (1726) illustre bien cette figure
simple qui a dominé tout au long du XVIIIe siècle.
Sainte-Famille,
église
La construction de
l'église Sainte-Famille, à l'Île d'Orléans,
débute en 1743 (photo de Luc
Noppen).
La sobriété qui s'impose à travers
cette diffusion des modèles, dans les extérieurs, contraste avec l'éclat des
intérieurs composés par les sculpteurs-ornemanistes, richement sculptés et
rehaussés de dorures et polychromies. Il faut dire que, de façon générale, les
ornements de fer forgé, de plâtre et de bois sont fort populaires au XVIIe
siècle ; dans les églises notamment, en prenant pour modèle quelques œuvres
importées, comme le baldaquin de l'ancienne chapelle du palais épiscopal et le
maître-autel de l'église Sainte-Hélène de Kamouraska, les Noël Levasseur (1680-1740)
et Jacques Leblond dit Latour (1671-1715) établissent une solide tradition en sculpture
architecturale, qui fleurira tout au long des XVIIIe et XIXe siècles. Le témoin
les plus éloquents de cet art est le retable de la chapelle des Ursulines,
réalisé à partir de 1730 par Pierre-Noël Levasseur (1690-1770) et son atelier.
Église, dessin des
plans d'une
Plans d'une église
dessinés par Jean Maillou,
v. 1715 (archives du Séminaire de Québec).
Il reste que, à travers la construction des églises de la Nouvelle-France,
le recours aux prototypes urbains, autant que les aventures de certains
chantiers, évoquent clairement la « canadianisation », qui passe d'abord par de
nombreuses réductions par rapport aux modèles originels de la mère-patrie.
Devant les retards entraînés sur les chantiers par les difficultés de compléter
d'ambitieux programmes architecturaux, l'ingénieur Chaussegros de Léry, là
aussi, se distingue en proposant une solution adaptée au contexte colonial : un
projet en trois temps, prévoyant qu'on érige d'abord le gros-œuvre (la
maçonnerie et la charpente), l'ornementation ne devant être complétée que plus
tard, selon les moyens de la paroisse. Bref, la « canadianisation » rend les
constructions possibles, même si les projets se limitent de plus en plus à
l'édification de la forme essentielle, débarrassée de tous les ornements.
Chapelle des Ursulines, autel de la
Retable de l'autel principal de la chapelle des Ursulines à Québec,
réalisé par Pierre-Noël Levasseur, 1730-1735
(photo de Paul Laliberté du Centre de production multimédia, à l'U. Laval).
Ursulines, couvent des
Le premier couvent des Ursulines est construit en 1642.
Cette illustration de Joseph Légaré est une vue d'ensemble
(avec la permission du couvent des Ursulines).
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